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Paris 2024 : comment les Jeux paralympiques veulent contribuer à changer le regard sur le handicap

France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Des jeunes s'initient au basket fauteuil lors de la journée olympique à Paris, le 23 juin 2018. (KARINE PIERRE / HANS LUCAS)

À un peu moins de deux ans du début des Jeux paralympiques de Paris, la question de l’héritage de l'édition 2024 est d’ores et déjà sur toutes les lèvres. Avec un objectif : remettre le handicap au cœur du débat public.

La place de la Bastille s'apprête à accueillir, samedi 8 octobre, la première journée paralympique de l'histoire. Déclinaison parasportive de la traditionnelle journée olympique - qui investit les rues de la capitale tous les 23 juin - l'événement entend apporter davantage de visibilité aux disciplines qui seront présentes lors des Jeux de Paris 2024.

Cette journée revêt une importance significative pour le mouvement parasport, qui souffre la plupart du temps d'un manque de visibilité évident. Ce premier faisceau de lumière entend donc familiariser un public peu connaisseur avant le début des festivités dans un peu moins de deux ans. Surtout, il constitue un moyen d'informer le plus largement possible sur le changement de regard à apporter aux personnes en situation de handicap. Une ambition revendiquée par le Comité d'organisation, et qui est au centre du programme d'héritage des Jeux parisiens.

Faciliter la pratique sportive des personnes en situation de handicap

Selon une étude sport handicap de 2018, 48% des personnes en situation de handicap ne pratiquent pas une activité physique et sportive. Inutile de chercher plus loin l'un des axes forts ciblés par Paris 2024 en vue des prochains Jeux paralympiques, mais aussi à plus long terme.

Une autre enquête réalisée par l'Observatoire de recherche sur les Méga-événements (Orme) en 2019 mettait en avant que 38% des licenciés dans des sections parasport ont rencontré des difficultés afin de trouver un club adapté à leur handicap. Pour faire face à ces problématiques, le Comité d'organisation et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) ont mis en place une formation para-accueillante afin d'aider les clubs et les éducateurs à accueillir des personnes en situation de handicap dans davantage de disciplines.

Fin juillet, Emmanuel Macron en personne annonçait la création de 3 000 sections para accueillantes d'ici à 2024. "L'idée est qu'en proximité, on puisse trouver une offre de pratique qui correspond à son handicap et à l'envie de la personne", complète Marie Barsacq, directrice Impact et Héritage au sein du Comité d'organisation. 

Une jeune fille s'essayant à un exercice de cécifoot lors de la journée paralympique organisée à Bruxelles, en Belgique, le 1er octobre 2022. (JAMES ARTHUR GEKIERE / BELGA MAG)

Pour poursuivre cet objectif, Paris 2024 a mis sur pied, en parallèle, un programme destiné à toucher tout le territoire national. Baptisée "Explore Terre de Jeux", cette labellisation est accordée depuis 2020 aux villes s'inscrivant dans une démarche parasportive. L'idée est de les encourager à créer des parcours de déambulation para-accueillants, afin de permettre à des publics souvent peu mobiles de se mettre au sport.

Dans ce souci d'ouvrir la pratique sportive, un fonds de dotation "Impact 2024" a été créé pour accompagner les structures générant de l'innovation sociale par le sport. Des financements ont été accordés, comme par exemple à Marseille autour du dispositif "Sports handi nautiques Corbière", qui initie les personnes en situation de handicap aux disciplines nautiques.

Améliorer l'accessibilité, enjeu central dans la lutte contre l'exclusion

La problématique de l'accessibilité est sur toutes les lèvres de celles et ceux qui oeuvrent à la mise en place des Jeux paralympiques dans deux ans. Pour autant verra-t-on demain, un peu partout en France, des accès PMR (personnes à mobilité réduite) à chaque station de métro, de bus, ou de tramway ? Les établissements recevant du public (ERP) vont-ils tous être en accessibilité universelle après 2024 ? Sans parler d'un marché de l'emploi plus inclusif envers les personnes en situation de handicap ?

"On veut tendre vers cela en tout cas, vers une meilleure prise en compte du handicap dans notre société", confesse Jean-Louis Garcia, président de l'Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) depuis 2008. Selon lui, tout le monde a un rôle à jouer dans cette acculturation à travers le sport et les Jeux de Paris. Récemment, l'entreprise de restauration Sodexo s'est rapprochée de l'Apajh afin d'engager, pour des CDD de huit semaines, des membres de l'association, afin de contribuer à l'alimentation du village des athlètes pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Une démarche handi-accueillante qui est amenée, espère-t-il, à faire des émules.

Sensibiliser dès le plus jeune âge grâce à l'école

Quadruple médaillée paralympique de judo (catégorie déficient visuel), Sandrine Martinet veut mettre l'accent sur le rôle de l'école dans le processus de reconnaissance du handicap. "J'espère plus que tout que l'on pourra laisser quelque chose à la jeunesse après Paris 2024. Car le sport c'est une école de la vie qui permet de redonner toutes ses valeurs au dépassement de soi, à la notion d'effort, qui permet d'être fier de soi peu importe le niveau et peu importe si l'on est en situation de handicap ou non."

Dans cette optique, le ministère de l'éducation nationale a inscrit au calendrier depuis 2017 la semaine olympique et paralympique (SOP). Pendant quelques jours, les enseignants et leurs élèves conçoivent des projets autour du parasport, font connaissance avec des champions tricolores souvent méconnus et échangent sur la prise en compte du handicap. "Grâce à cette SOP, complète Marie Barsacq, on va parler aussi bien à des enfants qui vont avoir trois ans qu'à des étudiants. C'est un héritage assez fort." L'an prochain (du 3 au 8 avril 2023), elle sera entièrement dédiée à l'inclusion et à la promotion des Jeux paralympiques.

Autre outil mis en place - avec un nouveau label, "Génération 2024" - dans les établissements scolaires depuis la rentrée 2022, les 30 minutes d'activité physique quotidienne tentent péniblement de trouver leur place. Une attention est portée à ce que la pratique se fasse "en inclusion avec les jeunes en situation de handicap", explique-t-on du côté de Paris 2024, ces derniers étant souvent exclus des traditionnelles heures d'EPS.

Des enfants s'essaient au volley assis, discipline paralympique depuis 1980, sur la place de la Concorde à Paris lors de la journée olympique, le 23 juin 2019. (LAURE BOYER / HANS LUCAS)

Profiter d’une fenêtre mondiale pour faire évoluer les mentalités

Pendant 12 jours, du 28 août au 8 septembre 2024, l'exposition médiatique des athlètes paralympiques sera internationale. Une opportunité en or à saisir, notamment pour le tissu associatif oeuvrant en faveur des personnes en situation de handicap, qui va pouvoir déployer un plan de communication massif pour "créer des prises de conscience".

Le mouvement "WeThe15", lancé par le Comité paralympique international (IPC) lors des Jeux de Tokyo, constitue à ce titre un socle solide. Son objectif est de mettre fin aux exclusions et aux discriminations pour transformer la vie d'1,2 milliard de personnes en situation de handicap, soit 15% de la population mondiale. Un mouvement global qui dépasse les frontières et qui est susceptible de prendre davantage d'ampleur d'ici deux ans, et même après.

Pousser pour obtenir des avancées sur le plan législatif

Pour la présidente d'APF France Handicap, Pascale Ribes, si la volonté politique de vouloir faire évoluer les choses sur le handicap existe bel et bien, sa mise en oeuvre concrète laisse à désirer. Dans cette idée, les Jeux paralympiques seraient un bon moyen pour activer certains leviers. 

"Il faut se servir du sport car c'est un véritable moteur pour détruire les murs", avance-t-elle. "Depuis la loi du 30 juin 1975, on a commencé à dire qu'il fallait oeuvrer pour le handicap et l'accessibilité. La loi du 11 février 2005, 30 ans plus tard, a fait une énorme promesse d'accessibilité pour ne plus maintenir les personnes en situation de handicap à l'écart. Mais en 2015, comme il n'y avait pas eu de véritable mouvement pour programmer cette mise en accessibilité, les pouvoirs publics se sont rendus compte qu'ils n'allaient pas pouvoir tenir leur promesse. Des délais supplémentaires ont été ajoutés. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, on a le sentiment que cela n'avance pas et on ne sait pas quoi faire. Alors espérons que ces Jeux paralympiques et tout ce mouvement mondial permettront d'obtenir des avancées". Un avis partagé par son homologue de l'Apajh, Jean-Louis Garcia : "On ne va pas laisser retomber le soufflé après 2024. Le monde associatif est là aussi pour mettre au fait ceux qui s'endorment".

En juillet dernier dans l'Equipe, le président de la République Emmanuel Macron avait exposé sa promesse : “Je veux faire de ces Jeux un événement où l'on va intéresser la nation à nos sportifs paralympiques beaucoup plus qu’on ne l’a fait. Plus globalement, ces JO seront un catalyseur de ce que la France fait de mieux aux yeux du monde et ils nous laisseront un héritage.” Des paroles notées noir sur blanc par les organisations de soutien aux personnes en situation de handicap.

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