C'est un nouveau mode de contestation. En Jordanie, les chômeurs prennent la route à pied, en solo ou en groupe, pour réclamer du travail. Il s'agit d'attirer l'attention alors qu'ils affirment ne plus avoir confiance en personne, à part dans le roi Abdallah, qu'ils essayent d'interpeller via de longues marches à destination de son palais à Amman. Le mouvement a commencé mi-février lorsqu'un premier marcheur a traversé le pays avec ses douze enfants. Il s’agit d’un docteur en droit qui avait vendu son lopin de terre pour financer ses études et qui s’est retrouvé, malgré tout, sans emploi.Le chômage chez les diplômés est très élevé Depuis, de nombreux autres cortèges se sont formés. Tareq, par exemple, a traversé, avec 150 chômeurs, les plateaux désertiques de Jordanie où il fait très froid en ce moment. "Il y a de la corruption. Il y a des gens qui occupent des postes qu’ils ne devraient pas occuper, explique ce jeune homme de 26 ans, détenteur d'une licence en technologie. Ils ont obtenu ces emplois grâce à leurs proches ou parce qu’ils sont au pouvoir. Je ne suis pas en train de devenir fou parce que je n’ai pas de travail mais parce que quelqu’un a donné du travail à d’autres, mais pas à moi." Ce manifestant fait partie des diplômés qui sont au chômage. Leur taux est très élevé en Jordanie, c’est un signe que le pays traverse une crise économique profonde. Le ministère de l’Enseignement supérieur explique que 63% de ceux qui ont décroché un doctorat ces trois dernières années ont un emploi. Ce qui fait que 37% sont soit au chômage, soit dans l’économie informelle, soit parti à l’étranger. Le chômage dans cette catégorie des très diplômés est supérieur à la moyenne nationale qui est de 19%.Trop de diplômés en sciences sociales selon le gouvernement Le gouvernement reconnaît qu’il y a un problème mais il accuse les chômeurs. Ils auraient choisi des études dans des disciplines bouchées explique Bashir Zu’Bi, il dirige la commission chargée de vérifier la qualité dans l’Enseignement supérieur. "Environ 95% de ceux qui décrochent un doctorat l’obtiennent en sciences sociales, trop d’étudiants ont choisi les sciences sociales. Je ne pense pas que le marché du travail puisse les absorber, c’est la raison pour laquelle il y a du chômage", explique-t-il. Un argument qui ne convainc pas les diplômés. Eux disent que les études scientifiques à l’université permettent de trouver du travail mais qu’elles sont trop onéreuses. En médecine, par exemple, les frais d’inscription sont 50% plus chers que dans d’autres disciplines. Le gouvernement affirme de son côté que les bourses et les prêts assurent un accès aux études égal à tous. Il rappelle également que plus de 300 millions d’euros ont été investis ces 15 dernières années pour soutenir les étudiants les plus modestes.